Je me permets de poser une question ouverte qui me taraude depuis longtemps : le consensus de la « communauté écolo » vers une décroissance obligatoire et son impact sur notre manière d’épargner.
Je conçois que malgré une potentielle décroissance économique, certaines entreprises continueront de fleurir jusqu’à atteindre leur taille stable (limite imposée par des objectifs environnementaux qui brideront forcément les entreprises), ce qui justifie une sorte de « croissance verte localisée, temporaire et cyclique ». Une croissance verte infinie est par contre impossible, puisqu’il faudrait pouvoir créer une valeur infinie sur des flux physiques finis et verts, ce qu’on n’imagine pas (encore?).
Ainsi, comment voyez-vous le fonctionnement de notre épargne dans un monde en décroissance ou post-croissance ? Aurons-nous toujours des livrets garantis et des fonds à 8%/an sur 30+ ans ? Vaste question je sais, mais un partage de visions « méta » serait déjà super intéressant je trouve
Vous avez dit : « Une croissance verte infinie est par contre impossible »
Je dirais même plus: Une croissance infinie tout court est impossible!
La croissance économique qui est prise pour acquis dans nos sociétés depuis plus d’un siècle et demi, n’est rendue possible que grâce à l’extraction et à la consommation massive de ressources naturelles, au premier rang desquelles figure le pétrole. Malheureusement (pour nous) la science physique est implacable : une fois qu’on tape dans un stock, ça diminue! Donc, mathématiquement, dans un futur pas si lointain, on va devoir faire pareil avec moins.
Je suis d’avis que nous avons encore une petite dizaine (vingtaine?) d’années de croissance des marchés financiers devant nous, après quoi on ira vers une décroissance structurelle des rendements des actifs financiers. C’est inévitable.
100% d’accord ! J’avais posé la même question sur le forum Finary et je me suis fait jeter par les climatosceptiques et croyants techniques d’où ma question prudente, mais content d’avoir la réaction opposée ici
Vu qu’on est sur la même longueur d’onde, comment imaginez-vous la suite ? Monde en inflation et actifs en déflation ? Une idée du futur du Livret A et obligations ? Que va faire l’industrie gigantesque de la finance ? Quelle serait la nouvelle stratégie d’un investisseur lambda comme nous (moi du moins) ?
Tant de questions passionnantes mais je ne sais pas où trouver la réponse (ou un début) ^^
Pas évident de prédire l’évolution des actifs dans une telle période d’incertitude… Pour ma part, je pense qu’il peut y avoir 3 scénarios :
Scénario 1 (optimiste) : on reste par je ne sais quel miracle avec un capitalisme qui ressemble beaucoup à celui que l’on connaît aujourd’hui => poursuite de la croissance de manière globale.
Scénario 2 (pessimiste) : effondrement de notre système actuel du fait du manque d’énergie => décroissance généralisée, anticipée ou subie.
Scénario 3 (intermédiaire) : effondrement de certains pans de l’économie mais les pans des besoins fondamentaux/essentiels résistent voire se développent (nourriture, logement, santé, éducation…) => décroissance globale, mais maintien ou croissance de certains secteurs.
Je suis investis en actions et en obligations… bien que je m’attende à une décroissance globale. Je nage en pleine dissonance cognitive au quotidien. Je me dis qu’il faut privilégier le livret A et l’immobilier en SCPI.
Pas évident de se projeter et encore moins d’avoir une stratégie à laquelle on croit… pour ma part, je pense orienter mes investissements de la façon suivante
bourse : investissement dans des ETF thématiques (climat, eau, économie circulaire, énergies vertes, santé, …).
Immo : je pense privilégier des SCPI orientées santé, éducation, logements rénovés basse consommation car j’ai du mal à croire que le marché des bureaux se maintienne sur le long terme
autre : je réfléchi à investir dans des forêts gérées durablement et des terres cultivables via GFI/GFA
En parallèle je garde une poche d’investissement avec un peu de DCA sur un ETF MSCI world au cas où (tu parlais de dissonance cognitive ? ) et de la crypto.
En tout cas je suis preneur pour connaître d’autres approches, ca permet de se sentir moins seul face à ces réflexions
Le plus plausible je pense est un mélange des trois scénarios : poursuite du business as usual jusqu’à se manger plusieurs murs (pénuries d’énergie, chute de production agricole à cause du changement climatique et des événements extrêmes induits), effondrement de larges pans de l’économie et croissance de secteurs de niche qui ne compense pas les baisses ailleurs.
Comme épargnant, le plus raisonnable me semble être de se limiter aux investissements qui font plus partie de la solution que du problème, en étant réaliste sur le fait que ce n’est pas ça qui va sauver le monde.
@MadeInJack de nombreux investisseurs conscients des enjeux se la pose cette question !
Je rejoins @tangi.va, à titre personnel j’investis au maximum pour accélérer la transition.
En faisant partie de la solution, on limite d’une certaine manière les risques (Cf la notion d’actifs échoués - Stranded Assets en anglais).
Et à l’opposé, si l’on perd toute notre épargne, mais qu’on laisse un monde vivable à nos enfants, est-ce si grave ?
Vous avez 4 heures
Le problème est que parfois ce qui semble une bonne solution risque d’avoir des impacts plus négatifs que ceux des problèmes qu’on essaie de résoudre :
« La conséquences des activités minières menées pour le compte de la dite transition énergétique pourrait dépasser les impacts qu’on a souhaité éviter avec la mise en place des dits dispositifs. »
(citation tirée de la dernière interview d’Aurore Stéphant pour Thinkerview, je ne me souviens pas de la source qu’elle cite mais il s’agit d’une étude sur l’impact des mines…)
C’est pourquoi je suis un peu dubitatif quant au dernier fond « climatique » proposé par Goodvest, qui axe en grande partie sur l’électrification du parc automobile ce qui va immanquablement poser de graves problèmes d’approvisionnement en cuivre et nombreux autres métaux qui coûtent de plus en plus cher à extraire en terme financier mais aussi et surtout environnemental et social.
J’ai de plus en plus l’impression que la seule façon de faire partie de la solution plus que des problèmes est l’économie participative, sur des petits projets locaux à très faibles impacts. J’ai regardé un temps Time For The Planet qui semble assez prometteur mais j’ai le sentiment que même là, la plupart des projets soutenus sont trop orientés high-tech, dans la lignée de ce qu’il faut plutôt chercher à réduire…
Pour revenir à la question d’origine, j’ai beaucoup de mal à répondre pour un monde en décroissance (ou du moins où la décroissance devient très urgemment souhaitable) et je crois que si on arrive à un monde post-croissance l’épargne ne sera plus un sujet puisque dans l’idéal ce n’est plus le capital qui sera maître du jeu…
Très intéressant cet échange. Il y a beaucoup de scénario possibles. Personnellement, plutôt que d’en choisir un, j’essaie d’adapter mes investissements pour ne pas être tout à fait démuni même si on se retrouve dans une situation type graves dysfonctionnements des banques, ou des réseaux télécom, ou de la monnaie ou que sais-je (bonjour, Cygne Noir…)
Pour l’instant je n’envisage pas la scpi parce que si je dois avoir un locataire je veux l’avoir en face de moi ou par le biais d’une agence, trop peur de financer des logements inconfortables ou je ne sais quoi.
Je reste sur l’or malgré sa nocivité (dissonance cognitive quand tu nous tiens), avec dans le cas ou rien ne se casse la gueule une defiscalisation à 100% dans 20 ans… Et si ça devient le far west, c’est toujours bien d’avoir de l’or
Bonjour à tous,
C’est vrai que c’est un sujet compliqué. Le mieux pour la planète est la décroissance, malheureusement chacun (et moi le premier) souhaite la sécurité financière dans un monde (encore) capitaliste.
Je recommande l’interview de Timothé Parrique.
Ma stratégie personnelle, que j’ai commencé à mettre en place :
Faire le ménage dans mes placements. J’ai analysé mes placement avec l’application Rift, et les résultats étaient catastrophiques : 15tCO2/an et en plus, des placements pas très rentables qui financent en partie les énergies fossiles.
Souscrire des parts sociales dans des coopératives (Nef, Enercoop…)
Des investissements participatifs (lita, lendosphère, enerfip) : un peu d’énergies renouvelables, mais surtout des investissements liés à la réduction d’énergie (rénovation de bâtiments, trains…)
Placer son épargne de précaution à la Nef
Quitte à « investir » dans des monnaies alternatives, je préfère payer en monnaies locales : cela ne rapporte rien mais cela profite à l’économie réelle et locale.
Bonjour à tous,
J’ai longtemps pensé que, seule la décroissance était la solution à notre problème. J’en suis moins sûr aujourd’hui. Le problème n’est pas tellement la croissance économique, après tout l’économie n’est rien d’autre qu’une croyance comme une autre, un mythe. Non, le problème c’est la consommation croissante de ressources primaires qui elle est bien réelle (et l’irrespect total que nous avons envers les autres formes de vie et d’intelligence que la notre, mais là n’est pas le sujet). Il suffirait donc peut-être de cesser de taper dans la caisse (notre planète) et d’augmenter sans cesse la valeur de ce que nous possédons déjà. Comment? Il n’y a, à mon avis, qu’une unique possibilité: le recyclage, la reconversion. Recycler à l’infini ne me semble pas impossible. Certes, certaines matières, et je pense là plus particulièrement aux ressources issues de près ou de loin du pétrole (les plastiques par exemple) ne sont pas recyclables à l’infini, celle-ci devront être abandonnées. Mais les verres, les métaux, les terres (même rares?), les végétaux (qui sont déjà dans un cycle vertueux si on sait les gérer convenablement) etc … sont je pense recyclables à l’infini. Donc perso, je ne mets pas un centime dans tout ce qui touche de près ou de loin à la pétro-chimie, car je reste persuadé que c’est notre cancer (la mère de Pierre Rabhi lui disait que le pétrole était « le sang du diable », je crois qu’elle était dans le juste). J’essaie donc de rester optimiste même si j’ai quand même la désagréable impression qu’on aurait dû (pu) commencer à se bouger il y a plus de 30 ans et qu’il est désormais probablement trop tard. Finalement je suis comme tout le monde, je ne sais pas comment tout cela va finir et mes placements seront alors probablement le dernier de mes soucis